Changement climatique : « Il y a au Sud des solutions bonnes à prendre pour le Nord »
Le Pr Yvonne BONZI, enseignante-chercheure à l’Université Joseph KI-ZERBO et membre de l’Académie nationale des sciences, des arts et des lettres du Burkina Faso (ANSAL-BF) a livré une communication le 03 novembre 2022 à l’occasion d’une conférence de presse de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) sur le thème « Faire face au changement climatique et à la biodiversité : les solutions sont aussi au sud ». Cette conférence de presse intervient en prélude à la COP27 qui se tient au Caire en Egypte du 06 au 18 novembre 2022. Pr Yvonne BONZI présente des solutions concrètes d’adaptation ancrées dans la science, menées au Sud et applicables au Nord, pour répondre aux défis de l’urgence climatique et de l’érosion de la biodiversité. Nous vous proposons ici le contenu de sa communication en texte et vidéo.
(Je suis au Sud, je dois parler du Sud mais je commencerais par ce qui se passe au Nord)
Suite à la multiplication des épisodes de sécheresse, des fortes températures et de la baisse de la pluviométrie survenues en Europe pendant l’été, l’effondrement des rendements agricoles a conduit les agriculteurs à explorer la diversification des cultures, comme voie d’adaptation afin de pérenniser leurs productions agricoles.
Dans des régions agricoles de la Loire ou des Vosges, les producteurs ont observé que le maïs cultivé pour l’alimentation animale présentait de réelles difficultés car cette céréale est très gourmande en eau pour sa culture.
Dans le même temps, la production du sorgho en France, leader de la zone Union Européenne, a connu un bond de 27% entre 2019 et 2020. Et pourquoi le sorgho originaire du Sahel en Afrique se retrouve être une production céréalière prisée pour l’alimentation animale durable ?
En effet, le sorgho est une céréale de la même famille que le maïs ; cependant cette céréale est peu exigeante en eau, peu gourmande en fertilisants, et encore mieux plus résistante aux fortes températures, aux maladies et ravageurs.
Le sorgho, céréale aux multiples atouts s’est présentée sans attendre comme une belle alternative au maïs pour 8000 agriculteurs français. Il permet également la diversification des cultures pour limiter les risques et les agriculteurs réalisent des rotations efficaces avec leurs cultures classiques de maïs, tournesol ou colza.
Le sorgho s’est donc implanté en Europe et en Russie, comme une céréale du futur. Pour atteindre de meilleurs rendements de production, il faut de bonnes semences. La solution peut encore venir du Sahel, berceau de la céréale où elle a été apprivoisée par les producteurs et améliorée dans les centres de recherche qui travaillent depuis des décennies dans des partenariats sur la céréale en vue de la mise au point de variétés améliorées encore plus résistantes, plus productrices et pourquoi pas plus nutritives pour l’homme.
Il y a donc au Sud des solutions bonnes à prendre pour le Nord dont il faut (pouvoir) s’inspirer pour les pays du Nord. Car les populations du Sud confrontées depuis les siècles passés aux agressions climatiques, ont développé des stratégies pour survivre et s’adapter.
Aussi, certaines pratiques dites ancestrales permettent toujours aux communautés de préserver la biodiversité malgré l’intensification de l’impact du changement global.
C’est l’histoire de Yacouba SAWADOGO, un agriculteur burkinabè qui face à la baisse de la qualité du sol du fait de la sécheresse, a revisité une vieille pratique agricole appelée ZaÏ qui permet de faire pousser des arbres ou des cultures dans des fosses.
Ce paysan-chercheur a amélioré la technique pour réaliser une forêt de 40 hectares dans son village avec plus de 60 espèces d‘arbustes et d’arbres. Son surnom “l’homme qui a arrêté le désert” et le prix qu’il a remporté “Champions de la Terre 2020” du Programme des Nations Unies pour l’Environnement, illustrent la reconnaissance mondiale de l’action d’un homme seul mais déterminé.
La technique améliorée de micro-fertilisation du Zaï est exploitée comme pratique autochtone dans le vaste programme continental de la Grande Muraille Verte de l’Afrique. Il s’agit d’installer une bande de 7800 km de paysages verts du Sénégal à Djibouti traversant 11 pays pour combattre le changement climatique, lutter contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté. C’est une occasion de restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030, de créer 10 millions d’emplois et surtout de séquestrer 250 millions de tonnes de CO2.
Cette pratique peut être exportée au Nord pour être appliquée aux platanes et aux marronniers qui perdent trop tôt leurs feuilles en automne (dans les rues de Paris ou en campagne). Elle peut également être utilisée pour restaurer les terres perdues en marge des déserts d’autres régions du monde (en Amérique du Nord ou en Australie).
Sous l’éclairage des chercheurs, des savoirs endogènes ont évolué positivement et d’autres succès sont observés au Sud sur la gestion de forêts classées, les méthodes de fertilisation de sols, la sélection et conservation des semences, l’agroforesterie et autres modifications dans les systèmes agricoles. Il suffit d’une mobilisation de scientifiques du Sud et du Nord pour identifier les solutions bonnes à prendre, les revisiter avec les outils ou plateaux technologiques disponibles au Nord, les analyser avec la prise en compte du concept de la durabilité, car la Science se doit d’être Universelle, oui et se partager dans toutes les directions à travers des partenariats efficaces et équitables.
Suivez ici la vidéo de la communication du Pr Yonne BONZI et celles des autres chercheurs lors de la conférence de presse du 03 novembre 2022.